1.
La tradition orale
Rédigé par
Annick Bideault à partir du texte de la conférence de DAKAR :
La Tradition Orale
,1999
Il existe de multiples définitions
de la tradition orale :
malgré de multiples nuances, ces
definitions s’accordent sur le fait qu’elle représente la somme des
données qu'une société juge essentielles, retient et codifie,
principalement sous forme orale, afin d'en faciliter la
mémorisation, et dont elle assure la diffusion aux générations
présentes et à venir.
La tradition orale apparaît
ainsi comme un héritage qui manifeste de nombreuses dimensions
de l'homme, dont la raison, l'intelligence et la spiritualité ; sa
volonté de demeurer dans la durée, ce qui permet notamment à Claude
Lévi Strauss d'affirmer qu'il n' y a pas de peuples enfants, mais
que tous sont adultes.
Pour assurer sa propre
reproduction, la tradition orale est prise en charge par la société,
grâce notamment à la structuration que celle-ci se donne, en
particulier dans sa dimension politique. Elle se présente sous la
forme de typologies qui organisent ses éléments constitutifs en un
ensemble cohérent, selon l'option d'une logique définie par la
culture qui l'a secrétée, et que les différentes études essaient de
saisir et ordonnancer.
Marginalisée comme une
survivance dans les sociétés de longue tradition écrite,
elle a continué d'être vivante dans les sociétés sans écriture, ou
au sein de celles qui ont peu développé la notation écrite.
L'accès à la modernité qui caractérise
notre époque et la place de plus en plus prépondérante qui est faite
à l'écriture, crée un contexte nouveau, qui remet en cause le
dynamisme de la reproduction de la tradition orale, et provoque des
ruptures critiques dans sa genèse, sa gestion et sa transmission aux
générations présentes et futures. L'on peut ainsi s'interroger
légitimement sur ce que devient la tradition orale aujourd'hui et
les perspectives qui se dessinent pour elle demain , et de l’intérêt
qu’elle représente dans la pédagogie.
La collecte :
Le souci de connaître les peuples
des sociétés sans écriture qui a présidé à la naissance de la
recherche anthroplologique et ethnologique, a bien vite conduit à la
collecte de la tradition orale en tant que matériau essentiel à
cette démarche.
Ce souci s'est renforcé avec
l'expansion des puissances occidentales dès qu'elles se sont
engagées dans la conquête coloniale. Il s'est agi pour elles de
mieux connaître les sociétés conquises ou à conquérir, à la fois
pour assouvir une saine curiosité intellectuelle voire scientifique,
mais également pour mieux asseoir les fondements de la domination.
Ainsi, des conquérants et des administrateurs coloniaux se
distingueront dans la recherche anthropologique et ethnologique, en
s'inscrivant selon les cas dans la rigueur d'une démarche
scientifique, ou en se révélant incapables de se soustraire aux
réjugés et présupposés de l'époque, mais avec dans les deux cas, le
projet d'asseoir une gestion durable du pouvoir colonial. A côté des
chercheurs indépendants de l'entreprise de conquête colioniale, ils
seront parmi les premiers acteurs engagés dans la collecte de la
tradition orale. Cette collecte au cours de cette période, s'est
effectuée par simple notation écrite et publication de recueils de
textes oraux, ou exploitation de ces derniers au plan de la
recherche.
La période qui a suivi cette époque
a été marquée par l'apparition du support de la bobine magnétique et
le développement de la photographie, pour fixer le son et les
images. Le film cinématographique puis vidéographique ont complété
des moyens utilisés à des fins de fixation de la tradition orale,
avec prise en charge de sa dimension visuelle.
En accédant à la souveraineté
internationale, les pays où la tradition orale est restée vivante,
ont veillé à la sauvegarde de leur patrimoine culturel oral, grâce à
ces nouveaux moyens techniques, ce qui s'est traduit par la création
d'un certain nombre de structures de recherche, ainsi que
d'archivage et de conservation des supports concernant cette
tradition. Des méthodologies d'enquête ont été élaborées pour
recueillir au mieux les éléments de ce patrimoine.
Les écoles de formation des
bibliothécaires et les structures documentaires ont également tenté
de s'inscrire dans une prise en charge de la tradition orale en tant
que source d'information, et de l'oralité en tant que cadre
contextuel général ayant une incidence sur les attitudes et
comportements d'usagers potentiels à gagner à la cause de l'écrit.
Des associations comme la famdt,
des revues spécialisées comme trad magazine, ont contribué à
rassembler les ouvrages des collectages, à écrire des partitions à
partir des enregistrements anciens, à faire connaître des
répertoires qui constituent notre patrimoine afin qu’il ne tombe pas
dans l’oubli
Quels enseignements cette approche
a-t-elle générés ? Quelle continuité devrait-on en assurer
aujourd'hui ?
Confrontée à la toute puissance de
l'écrit ainsi qu'aux ruptures qu'elle a elle-même enregistrées,
d'une part dans la dynamique de sa production, et d'autre part dans
les chaînes de sa transmission, la tradition orale semble au moins
prendre sa revanche avec l'avènement de ce qu'on appelé « la
révolution FM ».
En effet les radios -
communautaires, libres, privées selon les appellations convenues -
qui diffusent en modulation de fréquence connaissent aujourd'hui,
notamment en Afrique subsaharienne, en milieu rural comme en milieu
urbain, un développement fulgurant. Ainsi, les radios peuvent jouer
dans la sauvegarde, la conservation , l'exploitation, la diffusion
et la reproduction de la tradition orale, c’est tout à fait net dans
le cas des musiques africaines.
Quelques réflexions :.
Pour aider la mémoire des peuples, le
numérique et les nouveaux supports tels que le CD, de même que les
possibilités offertes par les radios, et internet, peuvent être
mis à profit
o
quelles seront pour elles les conséquences de ces
options essentielles au plan de la transmission aux jeunes
générations , ainsi que des stratégies pédagogiques à adopter pour
les transmettre?
La tradition orale apparaît comme
un héritage qui manifeste de nombreuses dimensions de l'homme, dont
la raison, l'intelligence, la spiritualité, la sensibilité …
o
la tradition orale concerne la musique, mais aussi
les contes, les proverbes, les dictons, les chansons, les paraboles,
les saynètes, les légendes, les devises de familles, les histoires
de familles et de villages.
o
Elle concerne aussi l'art , l'artisanat, les
danses, des instruments de musique, des costumes, de la cuisine, de
la peinture, du théâtre, de la vannerie, de la poterie, des bas
reliefs. IL s’agit de mettre en relation des traces d'un certain
langage social.
o
La tradition orale se retrouve dans le champ de la
phytothérapie et de la psycho-thérapie, autrement dit le champ de la
pharmacopée et des guérisseurs.
o
Enfin, à travers la littérature, elle a marqué le
domaine des mythes et des éléments culturels véhiculés par les
récits et rituels
Ainsi, les traditions populaires
doivent être envisagées avec respect, elles sont le ciment
et l’origine de notre culture , on les retrouve dans les récits de
Georges Sand, des poètes, des musiciens classiques…dont elles ont
inspiré bon nombre d’œuvres
BIBLIOGRAPHIE :-
NDIAYE, A. Raphaël : La culture orale et les bibliothèques . - Dakar
: Enda 1987, 15 p. multigr.
- NDIAYE, A. Raphaël . - La place de
l'oralité dans une bibliothèque. _ In Mélanges Jean Bleton . -
Paris, Cercle de la librairie, 1986, pp. 65-78.
9 - NDIAYE A. Raphael. - Communication
à la base Enraciner et épanouir .- Dakar, Enda, CRDI, CTA, 1994.-
302 p.
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